Depuis plusieurs mois, les articles (ou plutôt les torchons) abordant le véganisme, l’antispécisme et le militantisme se multiplient. Très souvent, ils ne parlent pas de « militant.es antispécistes » mais de simples « végan.es » ou pire « militant.es pro-vegan » : un signe indéniable de leur méconnaissance du sujet (au mieux) ou de leur volonté malsaine de nous faire mauvaise presse (au pire).
De tribunes infondées en tribunes infondées, les « pro-bonne barbaque à la française » se croient brillant.es et maîtres.ses de la rhétorique, mais manquent en réalité toute la substance de la question et ne font que propager stéréotypes, préjugés et lieux communs niveau CM1.
Le dernier torchon en date (1) signé de la belle plume objective et renseignée de Ludovic Delory, publié dans le « journal » libéral Contrepoints n’échappe pas à la règle. Les militant.es de l’antenne Belge Anonymous For The Voiceless en font la une et sont accompagné.es de ce qui n’est ni plus ni moins qu’un pamphlet carburant à la désinformation.
Le véganisme liberticide
Ludo en a marre. Il déplore nombre de choses, à commencer par ces casse-pieds de végan.es qui se battent contre sa « liberté » de se baffrer de cadavre à volonté. Quand tu lui montres la Lune, le carniste regarde le bacon. #TouchePasAMonSteak
« En souhaitant rendre l’humain vertueux par le biais de la Loi sans se cantonner au débat philosophique sur la sensibilité animale, la nouvelle idéologie politique végan menace nos libertés. » (1) Contrepoints, 6 août 2018
Pour faire simple, Ludo ne semble pas capable (ou refuse) de voir plus loin que le bout de son nez. Il aimerait que les végan.es se cantonnent au débat philosophique de la sensibilité animale (qui pour moi n’a rien de philosophique, mais passons). Et on le comprend ! Tant que les marginaux comme il les appelle, restent bien sagement à leur place et ne font que disserter entre convaincu.es de la sentience animale, Ludo n’aura alors pas à se remettre en question. Tant que les hippies resteront entre eux, tout le monde fermera bien les yeux sur le problème et aucun.e carnistes n’aura à se préoccuper sérieusement de la pérennité de son régime zoophage : leur « liberté ».
Mais au fait, c’est quoi la liberté ?
Les carnistes hurlent à tout-va à la liberté, cette chose inaliénable que personne ne peut remettre en question sans se voir coller l’étiquette « fasciste » sur le front. Mais notre utilisation usuelle du terme liberté est-elle vraiment correcte ?
Habituellement employé pour faire opposition à la notion d’enfermement, d’emprisonnement ou d’esclavage, le mot liberté est en réalité beaucoup plus étendu en philosophie ainsi que dans le domaine du droit. On part d’une notion simple : la liberté est cette possibilité générale de pouvoir agir sans contrainte. Or, la définition ne s’arrête pas là. En effet, il est trop souvent oublié que la liberté est une notion bien plus relative qu’on ne le pense.
Afin que notre liberté soit compatible avec les notions de justice et d’égalité, il est primordial de la nuancer pour éviter un scénario à la American Nightmare. C’est ainsi que la DDDH elle-même stipule que la «liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui» ou encore «faire tout ce qui n’est point interdit, comme ne pas faire ce qui n’est point obligatoire».
Je pense que vous commencez à comprendre où je veux en venir. La liberté ne sera jamais suffisante à justifier un acte de cruauté ou un acte nuisible et encore moins un acte de privation totale de liberté à autrui. Je ne peux pas au nom de ma liberté justifier que je m’autorise à tuer, violer, emprisonner ou maltraiter ; exactement de la même manière que la liberté d’expression ne justifie en rien des propos racistes (on ne le dira jamais assez, n’en déplaise à certains).
La liberté n’a jamais été et ne sera jamais un argument d’autorité lorsque nos actes produisent de la souffrance. Les liberticides, c’est vous Ludo, ainsi la partie du lectorat qui s’accorde avec votre point de vue.
Nous n’aurons probablement jamais le pouvoir de vous interdire de manger de la viande et contrairement à vos croyances emplies de peur, nous ne voulons pas faire ce choix à votre place. La seule chose qui est en notre pouvoir pour l’instant, c’est de faire en sorte que plus jamais vous ne puissiez manger une pièce de viande sans réfléchir aux conséquences de vos actes. Comprenez cela, et arrêtez donc de déféquer dans vos caleçons.
Petite, je rêvais d’être journaliste : un véritable métier de rêve pour moi. Mais aujourd’hui, je déplore ce qu’il en est devenu. Comme je le disais la semaine dernière dans mon dossier sur Modere : de tout, les journalistes veulent faire du sensationnel. Après avoir bien rabâché à son lectorat que manger de la viande n’est en rien condamnable, Ludovic enchaîne avec la terreur.
« Ce prosélytisme ne peut se faire sans violence, pour la frange la plus extrême des végans. Il faut, selon ces gens, passer à l’action, quitte à écoper d’une condamnation pour « apologie du terrorisme » ou, plus grave, à se suicider après avoir blessé plusieurs innocents. » (1) Contrepoints, 6 août 2018
C’est plus ou moins habillement que sont détournées dans cet article deux actualités qui ont fait beaucoup de bruit ces derniers mois ; le tout, dans le but de servir son propos et de faire naître la peur dans le coeur du carniste.
La première actualité faisait référence à une végane qui sur Twitter avait manifesté son indifférence face à la mort d’un boucher dans un attentat (2). Elle soulignait que la mort d’un individu dont le métier consiste à tuer des innocents ne lui inspire aucune sympathie. La seconde actualité se déroulait quant à elle en Californie, où une Youtubeuse iranienne (qui se trouve être végane) a ouvert le feu au siège de YouTube, vraisemblablement car elle était mécontente que la plate-forme « la censure ». Fort heureusement, le bilan est léger puisque la demoiselle n’a fait que trois blessé.es avant de (tragiquement) retourner son arme contre elle.
On résume : une personne qui rale sur Twitter (quelle nouveauté !) et une déséquilibrée qui déclenche une fusillade pour quelques vidéos strikées. Quand on sait qu’il suffit de dire le mot « pénis » dans une vidéo pour qu’elle soit démonétisée et/ou supprimées, ça ne laisse pas vraiment de mystère quant au côté un poil déséquilibré de cette personne.
Est-ce suffisant pour peindre un tableau de terreur de la situation ? Clairement, non. Au sein de la communauté végane, le tweet haineux sur le boucher sont unanimement et fortement condamnés. Il doit bien y avoir deux ou trois maboule qui défendent ces horreurs. Oui, il y a des idiot.es dans toutes les sphères, tous les milieux, toutes les communautés et nous ne sommes pas épargnés, je ne vous apprends rien.
Là où cela devient énervant, c’est lorsque des pseudo-journalistes utilisent ces actualités en les détournant pour créer un climat de peur qui n’a pas lieux d’être. Sur la totalité des fusillades de cette année, combien de tueurs et de tueuses étaient végan.es ? Combien de milliers de personnes incitent à la haine raciale sur Twitter ou font des appels au meurtre sans jamais en être inquiétée ?
Il faudrait que les Français.es commencent à comprendre une bonne fois pour toute que nous ne nous battons pas contre les humain.es, au contraire nous nous battons également pour toutes les causes humaines. En devenant végan.e, nous n’avons pas « cessé d’avoir de l’empathie pour l’être humain », mais avons simplement choisi d’étendre cette empathie à tou.tes les habitant.es de notre planète. C’est pour cette raison que nous condamnons toutes et tous les propos tenus à l’égard du boucher décédé, ainsi que l’attaque armée de la Youtubeuse en Californie. Or, l’article de Contrepoints laisse entendre que nous prenons ces actes pour modèles : cela n’est ni plus ni moins que des accusations calomnieuses d’une bassesse inégalée. J’irais même plus loin, elles ne sont que la démonstration que l’auteur n’a rien trouvé de plus intelligent à écrire, et cela est purement pitoyable pour un journaliste.
Leur seule arme : le mensonge
Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin et ayons pitié de Ludovic. Après la peur et les fausses accusations, voilà que nous nous retrouvons face à de la désinformation pure et simple. Pour tenter de démonter le véganisme, avoir recours à la peur ne suffit plus, il faut maintenant inventer des choses de toute pièce. Ludovic enchaîne :
« C’est là que se situe le danger. En accordant les mêmes droits aux animaux qu’aux humains, en souhaitant rendre l’humain vertueux par le biais de la Loi sans se cantonner au débat philosophique sur la sensibilité animale, la nouvelle idéologie politique végan, portée par un infime pourcentage de la population mondiale, menace nos libertés. Dont celle d’ingérer des produits carnés, indispensables à notre métabolisme. » (1) Contrepoints, 6 août 2018
Premièrement, aucun.e végan.e ne souhaite donner les mêmes droits que nous êtres humain.es, aux animaux. Dois-je activer mon caps lock pour que cela soit enfin intégré ? Nous ne nous battons pas pour que les poules aient enfin le droit de vote (quoi qu’une poule n’aurait sûrement pas eu la bêtise de voter pour Manu). Nous ne nous battons pas pour que les dauphins du parc Asterix puisse toucher le chômage.
Nous nous bâtons simplement pour que les animaux non-humains soient libres de vivre. Pour qu’ils puissent jouir de cette liberté dont nous parlions tout à l’heure, au sens le plus pure : vivre selon sa propre volonté. Point. L’antispécisme ne repose pas sur une « égalité entre les animaux non-humains et nous » comme le disent beaucoup trop de journalistes trop peu informé.es. Il existe des différences entre l’être humain.e et les animaux, tout comme il existe des différences entre homme et femme. Dans nos luttes, nous ne nions pas ces différences mais nous battons simplement pour que ces différences ne soient plus source de discriminations, de mort, de violence ou de maltraitance.
Je finirai ce post sur la plus grosse imbécillité de Ludovic : prétendre que la consommation de produits carnés est indispensable à notre métabolisme.
Faux, archi faux. 0/20. Mr le journaliste, où sont donc vos sources ? Où est donc votre travail d’information, de renseignement et d’enquête ? Vous savez, c’est cette étape indispensable, étape la plus importante lorsque l’on écrit un article mais qui semble être zapée par beaucoup de vos confrère et consoeurs ? Qu’est-ce que cela vous fait, au fond de votre petit cœur Ludovic, de savoir que je fais un meilleur travail de journalisme que vous sans avoir fait le moindre parcours dans ce domaine ?
Une bonne fois pour toute : la viande n’est absolument pas nécessaire à notre métabolisme, pas plus que le lait, les œufs ou tout autre produit d’origine animale. (4) Un régime végétalien est viable à tous les âges de la vie. (4) Tu vois Ludo, ce n’est pas suffisant de dire des trucs au hasard comme ça, il faut aussi prouver ce que l’on avance avec une chose magnifique, nommée une source. Répète après moi : sour-ceuuh.
Tout cela ne démontre qu’une seule chose : les personnes non-véganes sont les moins douées pour parler de véganisme. C’est sur ce point que repose le plus gros problème des débats entre carnistes et végan.es. La plupart du temps, les opposant.es au véganisme ne sont absolument pas informé.es. Que ce soit l’exploitation animale, la santé humaine ou encore l’écologie : ces dernier.es ne font bien souvent pas le poids, car issu.es de l’école Jean-Pierre Pernault.
Comment débattre à armes égales lorsqu’une personne nous rabâche sur tous les ton que les végan.es sont carencé.es en protéines, que la viande est indispensable à notre survie ou que les carottes aussi souffrent le martyr lorsqu’on les coupe ? Inévitablement, ce qui devait être à l’origine un débat tourne dès lors en un dialogue ayant davantage vocation à éduquer, faire ouvrir les yeux et informer plutôt que d’échanger des idées. Les responsables ? La publicité et les média en général.
Il est déplorable de constater qu’encore une fois, les journalistes préfèrent céder à la tentation du sensationnel, au détriment de leur réelle mission d’information. Je conçois que l’on ne soit pas en encore avec le véganisme et c’est une chose de vouloir défendre le carnisme. Il en est une autre de mentir délibérément et de se laisser aller à la calomnie.
À l’auteur de cet article qui n’en a que le nom, je l’invite à s’informer davantage sur les sujets qu’il aborde.
Références :
(1) Delory, L. (2018). Le véganisme, du régime alimentaire au régime politique. Contrepoints.
(2) Libération (2018) Une militante vegan condamnée pour «apologie du terrorisme» après un message sur le boucher du Super U de Trèbes.
(3) Huffpost (2018) Fusillade à Youtube: Nasim Aghdam, l’assaillante, accusait Youtube de la « discriminer » et de la « censurer »
(4) Vesanto Melina, MS, RD (Consultant, Vancouver, Canada); Winston Craig, PhD, MPH, RD (Andrews University, Berrien Springs, MI); Susan Levin, MS, RD, CSSD (Physicians Committee for Responsible Medicine, Washington, DC). (2016). Position of the Academy of Nutrition and Dietetics: Vegetarian Diets. Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics
Non mais quel torchon cet article de contrepoints. En même temps vu le journal je m’attendai pas à mieux de leur par. Merci pour ton article, merci de prendre la parole pour les animaux qui sont bien trop oublié même pour certain végan qui en réalité s’en foute deux comme de l’an quarante
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Moi et ma femme nous sommes végétariens, je vais donc me faire un peu l’avocat du diable. Ce que je veux dire, c’est que je ne suis pas forcement d’accord avec ce que je m’apprête à dire (c’est surtout pour ouvrir une discussion).
Tu parles de la liberté d’une façon que j’apprécie beaucoup. Tu n’en exposes pas une définition simplette, tu la développes et c’est très bien. Mais ce principe de « la liberté s’arrête là où commence celle des autres » n’est-il pas un concept de droit fondamental humain ? Est ce que ce principe peut être étendu aux animaux ? Toute la question est là.
Quant aux accusations idiotes et aux raccourcis de pensé, même si je voulais me faire l’avocat du diable; je ne trouverais rien à dire pour défendre des inepties pareilles !
Au plaisir de te lire. Christophe.
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